vendredi 23 mars 2007

Chang Jiang



Où en étais-je déjà? Ah oui, à Chongqing, au bas des marches, sur l’embarcadère des bateaux qui descendent le fleuve. Le Fleuve Bleu, Chang Jiang, Grand Fleuve en chinois, le Yangtzekiang du Jean Gabin d’Un singe en hiver. Pour l’heure, le fleuve était gris acier, sous un ciel plombé.

C’était parti pour cinq jours de voyage, entre Chongqing et Shanghai, au rythme tranquille de la navigation fluviale.

Des bateaux, j’en avais pris quelques uns déjà, dans ce pays. Celui qui part le soir du port tout illuminé de Hong Kong, et remonte la Rivière des Perles pour arriver au petit matin dans le port de Canton. Tous entassés dans une cabine commune, les couchettes à même le plancher, séparées seulement par des clayettes. Réveil obligatoire aux petites heures du jour, au son des hauts parleurs braillant de la pop chinoise. J’avais mangé sur ce bateau un des meilleurs petits-déjeuners de dim sum, en regardant le jour se lever rose sur Canton.

Il y en avait eu un autre encore, une sorte de péniche plate qui remontait la Xi Jiang. Un bout de voyage paresseux, ensoleillé, passé à boire des bières sur le pont pour échapper à la promiscuité de la cabine unique, au son strident des hauts parleurs. Mais je m’égare dans les méandres des fleuves.


Ce bateau là était blanc, doté de plusieurs ponts, les cabines comportaient deux couchettes, une porte, et pas de hauts parleurs. Le grand luxe quoi!

C’est étonnant comme les souvenirs sont fugaces. Je me souviens finalement très peu des détails de ce voyage. Je revois un ciel très sombre, le fleuve encaissé entre les montagnes, les poissons mis à sécher au vent le long des bastingages. J’ai l’image d’une escale dans une petite ville médiévale, fortifiée, hors du temps, des oranges et du chocolat achetés là pour changer de l’ordinaire du bateau. La nourriture était atroce, le riz gâté, jamais je n’ai si mal mangé en Chine. Je me revois avec mon bol et mes baguettes sur le pont, les autres passagers me regardant fixement. Les étrangers étaient encore très rares en Chine à l’époque. Après leur avoir dit que dans mon pays il était très impoli de fixer ainsi les gens quand ils mangent, ils s’étaient tous retounés, sans un mot. Je crois que c'est moi qui n'avait pas été très polie, à y bien réfléchir.
Malgrè la grisaille ambiante, j’ai aimé le fleuve pourtant, le rythme doux de ce voyage, les petites villes étape dont j’ai oublié le nom, avant d’arriver au grand port de Wuhan. C’est sans doute dans une de ces villes, au début du voyage, que j’ai goûté ce plat sichuanais, le “porc cuit deux fois”. C’est en tout cas les souvenirs qui me sont revenus quand je l’ai cuisiné l’autre jour. C’est étrange, de manger ses souvenirs, non?


Porc cuit deux fois

  • 450g de porc (poitrine ou échine)
  • 1 poireau
  • 2-3 gousses d'ail, pelée et finement émincées
  • 3 cs d'huile


Sauce

  • 1/, 1/2 cs de pâte de soja épicée
  • 1 cs de sauce soja douce
  • 1/4 cc de sel
  • 1 cc de sucre
  • 1 cs de vin de Shaohsing


Mettre à bouillir la viande pendant 20-25 minutes. Réserver et laisser refroidir pendant 2 heures afin qu'elle se raffermisse. Couper la viande en tranches très fines. Laver le poireau, le sécher et le couper en quatre en longueur puis en diagonale en sections d'environ 1 cm.
Préparer la sauce. Mélanger la pâte de soja, la sauce soja, le sel, le sucre et le vin dans un bol et réserver.
Faire chauffer le wok jusqu'à ce que de la fumée se dégage. Ajouter 1 cs d'huile et bien répartir. Ajouter les poireaux et faire frire pendant environ deux minutes. Saler et réserver dans un plat chaud.
Sécher le wok et le remettre sur le feu. Ajouter de l'huile et bien répartir. Ajouter l'ail, et dès qu'il commence à colorer, ajouter le porc. Mélanger et laisser frire jusqu'à ce que le gras devienne transparent. Baisser le feu si nécessaire.
Ajouter la sauce et mélanger. Ajouter les poireaux et mélanger jusqu'à ce que la sauce soit presque complètement absorbée. Verser dans un plat préchauffé.
Servir avec du riz blanc.
Enjoy!!

37 comments:

Anonyme a dit…

c'est peut-être étrange de manger ses souvenirs, ou peut-être pas tant que ça... on voyagerait bien encore un peu avec toi...

Anonyme a dit…

C'est pas toujours évident, les voyages Tu rends bien ces sentiments mélangés qu'on éprouve parfois au loin. La recette me dirait bien.

Anonyme a dit…

Oh Gracianne, à chaque fois que je viens chez toi tu m'emmènes loin, ailleurs ..... je voyage ... c'est toujours super agrèable ... bref, ton porc cuit 2x me plait au plus haut point lui aussi !!!!

Dorian Nieto a dit…

Manger ses souvenirs... il faut que je passe cette phrases à un ou deux collègues en socio qui écrivent des choses très très intelligeantes sur la bouffe... tellement intelligeantes mais aussi tellement moins pertinentes que ce tout petit bout de remarque !
Au fait merci encore une fois pour le voyage sur place...

Mamina a dit…

D'abord, il y a la première photo, si belle. Et puis tes mots qui à chaque fois sonnent su juste... il n'y en a pas un seul qui ne soit pas à sa place.
Et puis pour finir ce "manger ses souvenirs" tellement vrai parfois, qu'on ne peut que s'étonner que d'autres ne l'aient pas employé avant toi.

Anonyme a dit…

C'est toujours très plaisant de te lire Gracianne
bises

Anonyme a dit…

Comme d'habitude je me suis transportée dans un autre monde grâce à ces mots .......merci ET bon dimanche

Anonyme a dit…

Très joli texte, comme d'hab.

"Manger ses souvenirs", c'est sans doute ce que s'est dit le canibale japonais qui avait bouffé sa fiancée. (c'est presque une plaisanterie)

Rosa's Yummy Yums a dit…

Un beau billet, comme d'habitude!

Bon dimanche.

Bises...

Anonyme a dit…

Mais non, c'est un des sens les plus 'sensibles' que celui du goût. Les madeleines de Proust, l'arroz de marisco de Gato Azul, le porc cuit 2 fois de Gracianne (qu'il me tarde de goûter, mais je n'aurai pas la mémoire pour y ajouter l'assaisonnement tout particulier que tu lui trouves). Merci pour le beau voyage. Fatiguée du froid et de la neige et du printemps qui joue à cache cache? Pauvre de nous tous. Mais ça viendra...

Anonyme a dit…

Sur un bateau, je suis heureuse. J'aurai aimé être marin (entre autre) et à te lire, j'ai fait un excellent voyage sur le Grand Fleuve Bleu et j'ai ressenti la moiteur déjà ambiante du petit matin au son du clapotis de l'eau sombre...

Anonyme a dit…

En te lisant j'ai l'impression d'y être sur ce bateau!

Anonyme a dit…

Je me délecte de tes souvenirs...

Anonyme a dit…

Le temps d'un instant, j'étais bien loin de Meulan. Tu m'as transporté sur ce fleuve avec ce beau récit. Un doux et agréable réveil en douceur aux parfums asiatiques. Merci à toi et bon dimanche.

Anonyme a dit…

je suis partie en bateau, j'ai vu des gens, j'ai vu des paysages, des fleuves... merci Gracianne pour tes voyages romancés.

Ce porc d'ailleurs me fait de l'oeil... mais par quoi peut on remplacer la pâte de soja épicée ( ou alors où en trouver...)??? merci, bon dimanche

Anonyme a dit…

Comme d'habitude, j'ai passé un bon moment en lisant ton billet, et ta recette, hum, elle me met l'eau à la bouche!
p.s: je serai en pensée avec vous demain!

Anonyme a dit…

Encore un très joli récit. C'est très bien de manger ses souvenirs,une belle expression d'ailleurs. Pour moi, ça signifie tout bêtement élargir son espace...

Papilles et Pupilles a dit…

Je suis sous le charme !

Journal Actif a dit…

J'adore lire tes souvenirs de voyage. Pour la recette qui accompagne celui-ci, elle est notée et nous nous en régalerons bientôt. J'adore la cuisine chinoise. Durant mes trois grossesse, je ne mangeait que ça et je suis loin, très loin d'en être écoeurée.

maloud a dit…

Combien de fois je mange mes souvenirs? Il me fallait une Gracianne pour le verbaliser.

Anonyme a dit…

Du très grand Gracianne! Toujours grand, mais lorsque tu évoques la Chine, c'est magnifique. C'est d'ailleurs comme çà que j'avais découvert ton blog, à l'époque du concours de raviolis, où je me souviens encore du billet qui précédait la recette.
Pour cette recette, j'ai un trou, c'est quoi la pâte de soja épicée? Au moins le nom chinois que je retrouve! Merci, je crois que je vais la tenter celle là, je ne sais pas si tu manges tes souvenirs (quelle idée bizarre!) mais tu les partages très joliment!

Anonyme a dit…

Les souvenirs de voyage, c'est essentiel, et les manger, c'est s'en nourrir, non?

Anonyme a dit…

D'ordinaire les souvenirs sont fugaces, capricieux : si certains voulaient bien entendre mon appel je leur ferais bien une grande bouffe souvenir... mais je crois qu'ils font tout à l'envers et qu'ils viennent plutôt quand on ne les attend pas, alors je ne les attendrai pas, sauf au tournant quand ils pointeront le bout de leur nez - avec des crêpes ça devrait marcher... !!!

Anonyme a dit…

Quand m'enmènes tu là bas déguster ce petit plat de porc cuit 2 fois ?

patoumi a dit…

Gracianne, ma maman aussi fait du porc comme ça! et je suis très maniaque quand au fait de manger dans des assiettes chaudes!!!
Sinon, tu me rends impatiente de pouvoir m'offrir quelques billets d'avion...

Anonyme a dit…

I did, really!! (enjoy, I mean...)
Une superbe recette, et le voyage... A chaque fois, deux mots de toi et je suis transportée. A la pause entre midi et une heure, ça fait du bieeeeennnnn....
Le voilà, le secret de la télétransportation, ma Gracianne, une plume magique comme la tienne! :-) Est-ce que je te l'ai déjà dit, ça? Je le pense à chaque fois que je viens par ici...
Bises

Anonyme a dit…

Je me sens encore bercée par le fleuve...

Mimine a dit…

Si jamais tu devais y retourner, je m'incruste au voyage, tu en parles si bien, je suis sure que tu serai aussi parfaite comme guide.

Elvira a dit…

C'est toujours un bonheur de te lire, chère Gracianne... :-)

Le porc cuit deux fois, j'ai la recette dans mon bouquin "tout au wok", et je me proposais de la tester. Tu m'y pousses encore plus. Dis-moi, la viande, tu la conseilles plutôt grasse ou moyennement...? Merci.

Gracianne a dit…

Oui Elvira, il faut du gras. La poitrine de porc va bien, tu la fais bouillir avec la couenne et tu l'enlèves avant de la couper en tranches fines. Sinon de l'échine bien entrelardée, ou du travers sans les os. Le principe c'est que le gras devienne transparent en cuisant.

Anonyme a dit…

"Manger mes souvenirs" ... j'adore cette expression tellement juste ! Tu m'as fait retourner en Chine quelques instants ; moi aussi je me souviens d'un splendide petit-déjeuner de dim sum ! Et cette atmosphère, faite de merveilleux, de sordide aussi parfois, tellement particulière ... merci !

Hélène (Cannes) a dit…

De bien jolis souvenirs... ne les mange pas tous, laisses-en un peu pour nous les raconter plus tard ! ;o)
Grosses bises
Hélène

Claude-Olivier Marti a dit…

Merci pour ce voyage! C'est beau les souvenirs...et ta photo est divine, tout comme ta recette, bravo

Amitiés
Claude

Anonyme a dit…

Comme tu nous fais voyager! On s'y croirait... C'est beau, fantastique! Merci beaucoup!

Anonyme a dit…

On s'y croirait....j'ai parfois l'impression que tu vis à côté de nous mais au ralenti, tu captes toujours tellement de détails, on dirait que tu parviens à faire régulièrement des arrêts sur image pour profiter de tout ce qui t'entoure. Merci de nous en faire profiter....

Anonyme a dit…

C'est bien agréable de faire un petit voyage après une journée de dur labeur. C'est super reposant!!
De plus, la recette qui va avec est bien tentante

Anonyme a dit…

Je ne peux pas l'expliquer et je ne veux pas l'expliquer mais l'expression "manger ses souvenirs" me fait venir les larmes aux yeux. Il y a tant d'émotion et tant de souvenirs associés à cette expression.
Merci Gracianne pour ce magnifique texte.

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